Pour une représentation poly/facturée du réel. Parce qu’il faut de tout pour faire un monde. — MANIFESTE 1999.
« Il y a trois ans maintenant, en 1996, il me fallait pouvoir mettre au point un système simple et efficace qui permette un apprentissage sérieux des techniques et codes esthétiques en peinture en particulier. Les principes de ce système répondaient essentiellement à l’exigence de ne pas s’inscrire dans telle ou telle idéologie esthétique particulière pour, je pensais, échapper au style. Cette fuite devait, dans un premier temps, forcer l’expérimentation à travers le médium pictural. Alors que l’ambiance aux beaux-arts et sur la scène artistique française vis à vis du médium « peinture », contraignait celui-ci plutôt à une autojustification de son emploi (« la peinture, aujourd’hui c’est fini, tout a été fait »), je posais là le postulat de départ : « En peinture tout a été fait, certes, cela nous offre donc la possibilité de tout faire ».
Outre ce postulat et le statut subversif que confère le médium peinture dans le champ de l’art actuel, je m’applique depuis peu à définir mon propre champ d’investigation. Aussi, il m’a fallu m’étendre sur la spécificité inhérente à la peinture/matière et à la peinture/sujet.
La peinture/matière tout d’abord, c’est-à-dire toutes les formes physiques, tous ses états texturiels devaient pouvoir un jour me servir d’outils. Le flou, le net, la couleur, la non-couleur, le jeté, le posé, le raclé, l’effacé, le vite exécuté, mais aussi le dessin laborieux, expressif, photographique, bref tout ce qui caractérise une symbolique, induit une gestuelle spécifique, une forme pure, relevant d’un choix efficace, visible et identifiable. Un vocabulaire suffisamment riche pour qu’une dialectique s’instaure de par la juxtaposition ou combinaison subtile de plusieurs factures/outils entre elles. En axant mon travail et en composant avec ces différents rapports de factures, j’affirme à mon sens la volonté de faire des choix parmi les possibles, garantissant un subjectivisme total.
2009.
La peinture/sujet, la peinture figurative, qui cherche naturellement, ou plutôt culturellement à se démarquer des générations précédentes. « Quoi peindre aujourd’hui? ». Le choix du sujet a toujours été compliqué pour moi. La figuration nécessite la manipulation d’images, et de thèmes. Un prétexte à une réflexion périphérique au médium peinture, en un lieu commun, celui de l’identifiable, de l’assimilable, et de l’appropriable par tous. Une poétique à l’opposé de l’idée répandue du monologue intérieur. Sentir le poids de la tradition et jouir des arrachements au sein du cadre prédéfini pour sa redéfinition même. Une sorte de souplesse des genres, à la fois technique et sémantique, au peintre de toujours décrire les enjeux d’une époque donnée en insistant sur telle ou telle spécificité du médium et des sujets. Cette spécificité introduit déjà une vision propre à chaque époque ou tout simplement à chaque peintre. L’erreur serait de croire, que la peinture un jour ne puisse plus rendre compte des enjeux sémantiques sans cesse renouvelés pour coller au mieux à l’humeur du monde.
Interrogeons nous sur ce que doit être aujourd’hui le genre du paysage, à l’heure des changements climatiques et du réchauffement inexorable de la planète. Il aura fallu une activité humaine intense, pour que résulte l’idée commune d’une nature pourrissante, souillée, déchue, c’est sûr, en ce début de 21ème siècle. Aussi le peintre en ce début de millénaire, se doit de réactualiser au sein de son médium le genre du « paysage » mais aussi celui de la « nature morte », du « portrait », voire la « peinture d’histoire », qui réunit tous les genres…
Conscient des années nous séparant des Monet, Courbet et autres grands capteurs de subtiles lumières, inspiré d’une vision romantique, je décidai d’aborder le genre du paysage et de me donner l’occasion d’aller peindre à l’extérieur de l’atelier : sur le motif, comme les anciens.
Justifier cet acte d’un premier abord nostalgique, en prenant en compte le contexte climatique, et plus largement un rapport au monde conflictuel et désabusé. Depuis la fin du 19ème siècle, c’est l’idée même que se fait l’homme de son environnement et son rapport à lui qui a changé radicalement. Ces artistes se promenaient pour saisir toute la grâce, toute la complexité de ces paysages en en décrivant toute la force et la grandeur, je choisis à mon tour de sortir de l’atelier pour en sauvegarder, archiver, numériser ce qui pouvait encore l’être avant disparition.
De tous les animaux, je n’en connais aucun capable de manger, chier et dormir au même endroit. L’homme qui ne cesse de vouloir se différencier à tout prix et à toute époque de l’animal (langage, outils, intelligence, etc…) a, je crois, là, trouvé cette spécificité plus valable que toutes autres. Mais je m’égare ». Fabien Boitar