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Né en 1973 à Montauban. Vit et travaille à Bruxelles.

 

" Comment la peinture est-elle devenue votre médium de prédilection?

En découvrant la peinture de Gasiorowski et son itinéraire qui est marqué par une volonté inlassable de rejoindre ce qu'il appelait " le grand fleuve Peinture", c'est-à-dire l'ensemble des possibilités offertes par la peinture considérée dans toutes ses manifestations : savoir, mémoire, mythe, formes et expériences de soi. Cela m'a décomplexé de mon inculture dans le domaine de la peinture que je commençais à peine à découvrir, et j'ai pu m'y jeter avec délectation"

Yves Gobart, in IMMORTELLE, vitalité de la jeune peinture figurative française catalogue, MO.CO. Montpellier contemporain, éd. SivanaEditoriale

FOCUS / LA PEINTURE D’YVES GOBART PAR ATHÉNAÏS RZ Descriptions Premières pistes pour approcher l’Amérindien dans la peinture d’Y. Gobart             De la longueur de son cheval immobile tourné vers la gauche, un individu barre la voie. Il est peut-être nu. Sa posture en tout cas ne laisse entrevoir qu’un bandeau rouge orné, à gauche, d’une fioriture de même coloris. Une poitrine de faible ampleur pourrait suggérer un corps féminin jeune. Sa chevelure brune sans apprêt, s’arrêtant à hauteur du buste, tombe de part et d’autre d’un visage dont ne se devinent que les traits généraux, surtout le nez et les yeux. L’air attentif, le personnage regarde vers la droite. Il paraît fixer le lointain.              Il tient les rênes d’une monture à l’allure bien droite et calme, aux jambes resserrées, presque jointes, et à la face orientée vers celui ou celle qui voudrait passer.             Le corps du cavalier et la robe de l’animal présentent une teinte semblable, dans les bruns rouges. Cette apparence massive et unie les détache de la nature environnante, multiple et bigarrée. Un chemin forestier encaissé, de couleur claire, parsemé de taches noirâtres et rougeâtres se perd à l’arrière, bordé d’arbres sombres et défeuillés qui étendent à l’horizontale de multiples branches parfois basses. Sous la carène que forment ces végétaux, des traînées vertes apparaissent entre les branches que parcourent de longues bandes blanches. De telles marques, quelques fois bleutées, cernent aussi les troncs, les taches éparses et, en partie, le cheval et son maître. Sous ceux-ci apparaît leur ombre commune.             Dans une autre image, un autre cavalier, saisi en contreplongée, occupe une position similaire. Sa haute taille suggère un personnage masculin. Légèrement penché en arrière, il est entièrement emmitouflé. De ses vêtements dépassent sa main gauche tenant les rênes et son pied gauche logé dans un étrier. De son visage et de sa coiffe, ou de sa coiffure, ne se distinguent pas précisément les formes. Son regard toutefois semble tomber sur le spectateur.             Comme le précédent, il a l’air d’être posté à la lisière d’un bois. Il pourrait lui aussi interdire un chemin, mais celui-ci ne se devine pas : le sol est entièrement recouvert d’une matière blanche dans laquelle s’enfoncent les sabots de l’animal. Les arbres aux rares branches en bataille, dressés tels des pieux uniformément bruns foncés, semblent morts. À l’arrière de ceux-ci, un fond brumeux rosâtre verrouille la vue.             Quoiqu’une ombre apparaisse sous le cheval, celui-ci et son maître semblent frappés par une puissante lumière bleuâtre venant de la gauche, laissant l’arrière-train de l’équidé et le paquetage qu’il porte à leurs coloris originels ; à moins que l’éclairage blafard n’émane des deux êtres animés eux-mêmes.             Une troisième peinture montre un troisième cavalier. Progressant vers la droite, il tourne le torse et la face vers le spectateur. Son visage brun foncé se signale par des lèvres, un nez et des pommettes claires, par des paupières bleues et par un haut front largement dégarni. Une chevelure blanche à l’aspect diaphane descendant jusqu’aux épaules entoure cette tête.             L’homme, aux mains gantées de vert, est vêtu d’un ensemble beige composé d’un pantalon et d’une tunique à large échancrure en V d’où sort un léger habit noir à col montant paré de deux colliers.  Sa jambe visible porte, au mollet, une guêtre à lanières. Elle est légèrement pliée, indice que le pied repose dans un étrier. De sa main droite, l’individu tient presque verticalement un long objet (une lance ?) alors que de quelques doigts repliés de la gauche maintenue en l’air, il pince une des courroies du mors. À son épaule droite pend un baudrier. Plusieurs sangles tombent de la selle et longent la jambe.             À nouveau l’environnement est forestier. À nouveau, le portraituré est campé à l’orée d’un bois. De part et d’autre de la toile s’élèvent deux massifs d’arbres, peut-être des feuillus en livrée hivernale mélangés à des conifères. Juste derrière l’homme, une trouée s’ouvre sur un ciel bleu laiteux parsemé de taches et traînées rouille. Cette même couleur s’insinue entre les branches des arbres noirs aux formes cernées de blancs.             La moitié inférieure de l’image baigne dans une lueur vaporeuse à dominante blanche qui épargne toutefois le cavalier et la croupe de sa monture, mais frappe le reste du corps de celle-ci avec une plus forte intensité. Comme le cheval du tableau précédent, celui-ci voit ses sabots s’enfoncer dans un mince tapis opalin sur lequel s’imprime son ombre.             L’homme et son cheval paraissent l’un et l’autre figés, comme statufiés. Des signes précis trahissent l’artificialité de leur pose : la manière dont le cavalier tient la lance et la rêne, mais surtout la posture non naturelle de l’animal. Celui-ci semble mimer le pas, mais ses quatre sabots sont au sol et aucune jambe n’est pliée.             La description de ces trois tableaux d’Yves Gobart ne fait-elle pas surgir dans l’esprit du lecteur-spectateur un qualificatif particulier ? Ces toiles ne sont-elles pas pittoresques ? Mais comment entendre cet adjectif dont les sens se déclinent « d’exotique » à, prosaïquement, « relatif à la peinture », en passant par « digne d’être peint » ?             Au 21e siècle, peindre un Amérindien, c’est à l’évidence exotique. Comme ce devait l’être de le photographier, mis en scène dans un studio, à la fin du 19e. Ces clichés d’existences dénaturées sont le matériau dont se saisit l’artiste contemporain. Par la magnificence de ses fantômes, le peintre provoque, et en même temps questionne la vision même portée par l’Homme blanc sur l’Indigène dans les siècles où, avant Niépce, le Peau-Rouge n’était pas – ou si peu – un sujet digne d’être peint. Athénaïs RZ, mai 2020

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